
Hedi et Johanna sont deux enfants de la mer. La Méditerrannée pour l’un, la Manche pour l’autre. Hedi a grandi à Sfax, la deuxième plus grande ville de Tunisie alors que Johanna vient de Normandie, dans le nord de la France.
Leur histoire d’amour atypique souligne des difficultés récurrentes pour les couples binationaux : des complications pratiques pour être ensemble, des incompréhensions de la part de l’entourage, une adaptation complexe à la culture de l’autre, mais, surtout, une détermination commune pour faire fonctionner la relation.
Ensemble, c’est tout
C’est en faisant une mission de volontariat en Espagne que les deux amoureux qui ne pensaient jamais se croiser, vont faire connaissance.
« C’est à la suite de cette formation que nous avons gardé contact et continué de se parler tous les jours. Au final, nous sommes restés amis pendant un mois avant de nous mettre officiellement en couple. »
Ils ont d’abord vécu ensemble en Espagne puis Johanna a finalement décidé de s’installer en Tunisie pour rejoindre Hedi.
« Nous habitons à Sfax depuis le mois de juillet 2020. Johanna a trouvé cela une évidence de venir vivre en Tunisie, puisque c’est difficile pour un Tunisien d’obtenir un visa pour la France. »
Cette décision n’a pas été très bien accueillie par le père de Johanna qui avait des a priori sur la culture tunisienne.
« Du côté de mon père, cela n’a pas forcément été bien accepté. Le fait que je sois en couple avec un Tunisien fait surgir beaucoup de stéréotypes concernant la culture arabe et musulmane… L’entourage de Hedi était au contraire très heureux de pouvoir découvrir une nouvelle culture au sein de leur famille. »
Mais l’avis des autres importait peu, Johanna était prête à quitter son pays pour être avec celui qu’elle aime. Même si l’adaptation n’est pas toujours facile… Elle lutte encore pour trouver des repères sur un autre continent.
« J’ai eu beaucoup de mal à m’adapter au mode de vie tunisien, puisque la culture est complètement différente et les mentalités également. Le fait de ne pas parler tunisien fait que j’ai toujours l’impression d’être une « étrangère » en Tunisie, mais ces derniers temps cela va de mieux en mieux. »
Un quotidien pimenté
Au-delà des mentalités et de la langue, c’est un élément central du quotidien qui a surpris Johanna : la nourriture ! Et oui, comme souvent, les habitudes alimentaires d’un étranger peuvent être déroutantes, autant pour les papilles que pour l’estomac.
« Ce qui me manque le plus c’est le fromage, puisqu’en Tunisie on ne trouve que très peu de « vrai » fromage, la plupart ressemblent à du plastique et sont fabriqués dans des industries… Le fait de manger beaucoup de plats avec ses doigts et l’omniprésence des épices dans tous les plats que cuisinait Hedi a aussi été très difficile au début. Je suis désormais capable de manger un piment sans rien d’autre en accompagnement ! »
Enfin, ce sont des différences subtiles en termes d’hygiène, de rapport à la famille ou de religion qui ont suscité leur curiosité.
« Ce qui m’a le plus surprise au début, c’est le fait que les Tunisiens n’utilisent pas de papier toilette mais une « douchette », c’est à dire un petit robinet que vous trouverez dans toutes les toilettes tunisiennes ! Pour Hedi, c’est l’hygiène de vie « européenne » qu’il a adoptée. Attention, je ne dis pas que les Tunisiens ne sont pas propres, simplement moins attentifs aux règles d’hygiène.
Hedi a aussi été surpris par la valeur que les Français accordent aux relations familiales et amicales, nous prenons les choses beaucoup plus à coeur que les Tunisiens de manière générale.
Quant à la religion, cela n’a pas été une source de conflits mais d’interrogations, puisque je n’ai reçu aucune éducation religieuse, alors que Hedi a reçu une éducation musulmane. »
Finalement, ces différences sont autant de détails qui enrichissent et pimentent (littéralement) leur quotidien. Les vrais obstacles à surmonter, eux, sont plus concrets…
« Le Covid est arrivé alors que nous étions tous les deux en Espagne. Johanna a donc été rapatriée en France et Hedi en Tunisie un mois et demi plus tard. Nous avons passé plusieurs mois en relation à distance, puisque les frontières étaient fermées. Cela a été très difficile, puisque nous étions alors au début de notre relation, mais finalement cela nous a rendu encore plus forts et nous a permis de voir la solidité de notre couple.
Le fait de ne pas pouvoir vivre où nous le souhaiterions est un gros challenge pour nous. Les problèmes de visas sont très pénalisants pour les Tunisiens, contrairement aux Français qui, eux, peuvent vivre partout en Europe sans problème. Nous en avons beaucoup discuté et Johanna ne souhaitait pas d’une relation à distance, elle a donc décidé de venir s’installer en Tunisie. »
Un mariage sous contrôle
Comme l’explique Johanna, la France ne facilite pas les choses pour les conjoints étrangers, qu’il s’agisse de demande de visa ou de mariage.
« Il faut savoir que cela ne se fait pas « facilement » entre une Française et un Tunisien, puisqu’une enquête est réalisée au préalable par le consulat de France, qui décide par la suite d’accorder ou non un certificat de capacité à mariage au conjoint français. Il faut donc compter environ un an avant d’obtenir le « droit » de se marier ou non. Certains papiers venant de France sont également difficiles à obtenir, puisque le réseau postier est assez catastrophique entre la France et la Tunisie… »
Etant conscients de ces difficultés, Johanna et Hedi ont décidé d’entamer la procédure de mariage dès maintenant.
« Nous avions prévu de nous marier, mais peut-être pas aussi rapidement. Cependant, la loi est assez stricte en Tunisie concernant le mariage et c’est plutôt mal vu pour un couple d’habiter ensemble sans être marié. De plus, Hedi pourra obtenir un visa de visite familiale plus facilement, ce qui lui permettra de rencontrer ma famille. Le mariage permet donc de faciliter les choses des deux côtés, même si bien entendu c’est l’amour qui est la raison principale pour laquelle nous souhaitons nous marier. »
Johanna et Hedi sont enthousiastes quant à leur avenir ensemble et voient leur future famille biculturelle comme une vraie chance pour leurs enfants.
« Nous souhaiterions avoir des enfants. Nous pensons que ce sera un avantage puisque nos enfants seront ouverts aux autres cultures plus facilement. C’est également un atout pour eux, puisqu’ils seront habitués à plusieurs langues et cultures depuis leur plus jeune âge. Nous leur parlerons principalement français et tunisien, et pourquoi pas anglais puisqu’ils nous entendront probablement parler cette langue de manière régulière. »
« l’amour peut nous tomber dessus sans qu’on s’y attende »
Avec du recul, Johanna et Hedi pensent que ces complications les ont rendu plus forts et prêts à affronter la vie à deux qui les attend. Ils prévoient à l’avenir de s’installer en Europe ou en Amérique.
« C’est vrai que nous n’avions pas spécialement conscience de la difficulté que cela représenterait au niveau émotionnel et administratif.
Nous conseillons aux couples binationaux de communiquer un maximum avec leur partenaire, n’hésitez pas à faire part de vos interrogations et de vos difficultés d’adaptation à sa culture si c’est le cas. Être compréhensif l’un envers l’autre est également très important. Enfin, soyez forts et ne vous laissez pas abattre dès le premier obstacle ! Vous aller devoir en surmonter un bon nombre avant de pouvoir vivre votre amour pleinement et sereinement, notamment si vous êtes originaires de deux continents différents. »
Un message d’espoir
Johanna et Hedi ont activement suivi le mouvement Love Is Not Tourism et voulaient partager un message d’espoir pour les couples encore séparés.
« Nous souhaiterions adresser un petit message de soutien à tous les couples binationaux qui sont ou ont été séparés durant cette période de Covid. Il est assez regrettable que la majorité des gouvernements ne reconnaissent pas le concubinage, c’est-à-dire le fait de ne pas être marié à son partenaire, mais malheureusement, nous devons faire avec et rester forts.
Pensez à votre bonheur principalement et n’écoutez pas les jugements et remarques de la part de votre entourage si celles-ci ne sont pas justifiées. C’est VOTRE VIE et VOTRE HISTOIRE ! Beaucoup de personnes ne vous comprendront pas, mais comme on dit l’amour peut nous tomber dessus sans qu’on s’y attende, ce qui a été le cas pour nous. Une Française et un Tunisien qui se rencontrent par hasard en Espagne, vous y croyez vous ? »
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Et si vous vous demandez pourquoi vous êtes tombés amoureux d’un étranger, amusez-vous avec ce test de personnalité !